Le Liban sous les bombes : quel sort pour les africains de Beyrouth ?
L’éternel conflit israélo-palestinien fait des victimes dont la communauté internationale ne parle pas : il s’agit des immigrés d’origine africaine. On en compte officiellement des centaines de milliers, essentiellement à Beyrouth et dans les grandes villes du Liban, mais aussi en Israël. Ils sont travailleurs, étudiants ou demandeurs d’asile. Les plus exposés sont les clandestins qui n’ont évidemment pas signalé leur présence dans leurs ambassades.
Des milliers d’africains sont prisonniers de la guerre au Liban. Que deviennent ces pauvres hères, avec les tonnes de bombes qui pleuvent sur Beyrouth ? Nombre d’entre eux sont vraisemblablement abandonnés à leurs sorts quand leurs patrons Libanais fuient leurs maisons, puisqu’on n’en voit aucun sur les vidéos montrant les populations en détresse !
Travailleurs, étudiants et demandeurs d’asile
A la faveur de la dernière visite officielle du Président libanais en Côte d’Ivoire, en mars 2013, Dr Ali Ajami, Ambassadeur, s’était félicité de la présence de près de 400.000 travailleurs ivoiriens dans tous les secteurs d’activité, dans son pays. S’il est donc évident que des milliers d'étudiants et de cadres ivoiriens et africains y sont établis, les réseaux de recruteurs de travailleurs domestiques ont toutefois défrayé la chronique il y a quelques années en parlant des trafiquants qui recrutaient des jeunes filles à Abidjan en leur faisant miroiter des emplois de femmes de ménage très bien rémunérés au Liban. Une fois arrivées sur place, les documents administratifs de ces dernières étaient confisqués par leurs employeurs pour ne pas qu’elles puissent s’enfuir, et certaines se sont plaint de mauvais traitements. D’autres scandales similaires avaient été signalés dans d’autres pays arabes. Ce sont donc ces cas qui sont actuellement les plus sensibles.
Moins exposés, la situation des étudiants africains dans les universités et grandes écoles libanaises n’en demeure pas moins préoccupante. Au moins 80 boursiers africains fréquentent l’Université américaine de Beyrouth, et la Mastercard Foundation affirme en supporter la formation de plusieurs dizaines d’autres à travers le pays.
Par contre, le journal israélien « Haaretz », affirme dans son édition du dimanche 15 septembre 2024, que l'armée israélienne, « Tsahal », aurait recruté des demandeurs d’asile africains dont le nombre est estimé à 30.000 en contrepartie du statut de résident permanent. Ces malheureux serviront évidemment de chair à canon comme en Russie, ou plus loin, pendant les deux grandes guerres mondiales.
Plus de 500 morts et 120.000 déplacés en une semaine
Depuis les assassinats des leaders du Hamas et du Hezbollah par Israël, respectivement en Iran et au Liban, et la réaction prévisible qui en a découlé, le Liban, et plus précisément la capitale Beyrouth est sous les bombes israéliennes. L’embrasement régional tant craint par la communauté internationale devient progressivement réalité avec l’entrée en scène du Yémen et des forces armées libanaises qui ne pouvaient pas rester bras croisés face au bombardement de leur territoire par un pays étranger. Sur le terrain, il s’en suit donc un déplacement massif des populations civiles fuyant les combats en Palestine, au Liban, mais aussi en Israël. C’est ainsi qu’on dénombre au moins 120.000 personnes déplacées depuis le début de la semaine. Au total, en comptant l’attaque terroriste du Hamas en Israël qui a mis le feu aux poudres, le bilan s’élève actuellement à plusieurs dizaines de milliers de morts et de blessés. Le coup d’éclat du Hamas, c’était le 7 octobre 2023, et les miliciens avaient massacré 1.200 personnes parmi lesquels trois africains demandeurs d’asile.
Entre le "dôme de fer" qui peine à protéger les populations contre les missiles iraniens et les combattants du Hamas qui sont partout et nulle part à la fois, Israël joue sa survie. Alors, si le décompte macabre des « frappes » est quotidien, si le nombre de victimes ne cesse de prendre l’ascenseur, si les pays Occidentaux envoient des avions pour évacuer leurs ressortissants, l’Afrique ne doit pas croiser les bras.
Emboîter le pas au Kenya
En attendant que l’Union africaine se prononce sur la situation au Liban, le Kenya a commencé à rapatrier ses ressortissants. L’Ethiopie se prépare à en faire de même pour ses 150.000 expatriés. La Côte d’Ivoire va-t-elle rééditer l’exploit de l’Ukraine d’où elle a pu exfiltrer ses ressortissants ? Dans ce pays où les petits travailleurs sont soumis au système strict de la « kafala », un tutorat obligatoire dans de nombreux pays arabes, nombre d’africains ne disposant pas de leurs pièces d’identité, et ne sont donc pas facilement identifiables, que faire ?
A la souffrance du peuple Palestinien et à face à toutes ces victimes potentielles, il urge de trouver une solution rapide, d’autant plus que l’Etat Hébreu vient de déclarer « persona non grata » le Secrétaire Général de l’ONU himself, et promet de se venger de la dernière attaque iranienne. Un proverbe de chez nous dit « A nous deux ! n’augure pas de la fin de la guerre… ». Alors, vivement que l’UA mette en place en couloir humanitaire pour évacuer les immigrés africains du Liban en attendant l’issue du conflit.
Seydou Koné
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