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La vérité contre l’oubli : la longue quête de justice pour le journaliste Bigirimana disparu depuis sept ans au Burundi (RSF)

Jean bigirimana CP



Sept ans après la disparition du journaliste Jean Bigirimana, la famille et les proches continuent de réclamer vérité et justice. Reporters sans frontières (RSF) demande au pouvoir, en place depuis trois ans, de sortir expressément de leur mutisme sur une affaire qui pourrait impliquer les autorités de l’époque.

Le 22 juillet 2016, le journaliste burundais Jean Bigirimana s’attendait à une chose : rejoindre sa famille après sa journée de travail. Il ne reverra ni épouse ni enfants. Sept ans plus tard, la vérité sur les circonstances et les responsabilités de sa disparition reste toujours inconnue. Pour ses proches et confrères, la quête de justice est longue, mais n’altère pas leur désir d’aller jusqu’au bout. Malgré le changement de régime en 2020, les autorités du pays n’ont jusque-là montré aucune volonté politique réelle pour faire toute la lumière sur cette affaire.

RSF s’associe de nouveau à la demande de justice des proches du journaliste Jean Bigirimana, disparu dans des circonstances troubles il y a sept ans. L’ouverture d’une véritable enquête indépendante, telle que demandée par RSF dans une pétition dès 2016, est nécessaire. Elle devrait, enfin, faire toute la lumière sur les responsabilités dans cette affaire. Il appartient au gouvernement du président Évariste Ndayishimiye de sortir de son mutisme à ce sujet et de s’en saisir. Le paysage médiatique doit retrouver son pluralisme, sa diversité et sa liberté. La quête de vérité et de justice dans la disparition du journaliste d’un des médias indépendants les plus lus du pays, Iwacu, en est une condition.
Sadibou Marong
Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF

Disparu à l’âge de 37 ans, Jean Bigirimana travaillait à l’époque pour Iwacu, le média indépendant le plus lu du pays. Le 22 juillet 2016, le journaliste se rend à Muramvya, une ville du nord-ouest du pays pour un rendez-vous professionnel avec une source. C’est là qu’il a été vu pour la dernière fois. Selon sa veuve, Godeberthe Hakizimana, des dires de plusieurs témoins, “il aurait été embarqué par des agents des renseignements généraux à bord d’un pick-up aux vitres teintées”. Mais la police dément. Quelques jours plus tard, deux corps en mauvais état sont repêchés dans une rivière non loin. L’un d’eux serait celui de Jean Bigirimana. Godeberthe Hakizimana se rappelle de la “très forte émotion” qui l’avait envahie quand la police lui avait demandé de venir à la morgue pour identifier le corps de son mari parmi les repêchés.

Une plainte contre X est déposée par le journal Iwacu et les proches avec une demande de tests ADN sur les corps non identifiables. Les autorités n’ont jamais accédé à cette requête. À cette période, le président Pierre Nkurunziza – mort en 2020 – est au pouvoir et les atteintes à la liberté de la presse sont légions, en toute impunité.

À la suite de la disparition de son mari, la veuve de Jean Bigirimana devient alors la cible de plusieurs messages anonymes d’intimidation et de menaces. Elle est obligée de s’exiler, en juin 2017, avec ses deux enfants, actuellement âgés de 15 et 10 ans. Du Rwanda voisin où elle se trouve toujours, Godeberthe Hakizimana, réitère sa demande de justice et de pouvoir procéder à un “enterrement digne” de son mari.

La porte-parole du procureur général de la République, Arlette Munezero déclare, en 2021, que le dossier de la disparition du journaliste reste ouvert et que les enquêtes sont toujours en cours. Le porte-parole du ministère de l'Intérieur et de la Sécurité publique accuse, lui, publiquement le journal Iwacu, l'employeur de Jean Bigirimana, “de ne pas vouloir collaborer dans l’enquête”. Ce qu’Antoine Kaburahe a réfuté en estimant que la plainte déposée par le journal a été classée sans suite. “Des commanditaires aux exécuteurs, personne n’a jamais été inquiété. Ils lui ont pris la vie, mais jamais ils n’auront notre silence. Nous serons là pour perpétuer le souvenir de Jean Bigirimana. Son nom traversera le temps. Ses enfants seront fiers de porter le nom d’un journaliste honnête, un père de famille, tué pour rien,” ajoute le fondateur d’Iwacu, contraint lui à l’exil après des campagnes de harcèlement incessantes envers son média. En 2019, quatre reporters du journal ont été arrêtés au cours d’un reportage. Bloqué pendant cinq ans à partir de 2017, le média d’information a contourné la censure grâce à l’opération Collateral Freedom, menée par RSF. C’est en 2022 que les nouvelles autorités ont rendu le site de nouveau accessible dans le pays.

Le Burundi occupe aujourd'hui la 114e place place du classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2023.

Source : RSF

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